lundi 11 février 2013

Connaissance Supra-rationnelle et Expériences Vécues


COMMUNICATION RIC III


LA CONNAISSANCE


SUPRA-RATIONNELLE


EXPÉRIENCES VÉCUES

DE LA NATURÉALITÉ





SOMMAIRE de la Communication RIC III

1 - La nécessité et le devoir de connaissance
A - Le devoir de connaissance
B - La connaissance non-intellective

2 - La voie personnelle supra-rationnelle
A - La mise en abîme
B - La lucidité

3 - Approches préliminaires
A - L'épreuve du premier pas
La mise à nu / la solitude / le silence / « l'inaction » active / la simplicité / le temps
B - Le « vide »

4 - L'ascèse purgative
A - L'épreuve du miroir
B - L'expérience de la mort
C - L'ouverture au réel actif

5 - L'épreuve du point central
A - La mise à jour
B - Le surgissement, expérience unitive de l'intelligence totale

6 - Le connaissant
A - Le né-nouveau
B - Au delà du bien et du mal, du vrai et du faux, du juste et de l'injuste

7 - L'insertion du connaissant dans la société


LIENS et voies de recherche pour aller plus loin

                                                                                                                


III - 01 - NÉCESSITÉ ET DEVOIR DE CONNAISSANCE

Ayant posé l'incognoscibilité de la réalité intrinsèque par l'intellect rationnel et les seuils du savoir intellectif - trompe-l'œil qui corrompt l'expérience exacte de la réalité, nous concluons que la réalité ne peut se concevoir entièrement et exclusivement par la vision distinctive mais qu'elle devrait être vécue par identification, par connaissance unitive, non-intellective, immédiate et indifférenciée qui porte en elle-même sa preuve, son évidence de témoignage, irrécusable pour les personnes ayant vécu cette expérience indicible, sans la possibilité de la décrire avec les mots du quotidien.
Après la mise à la question de la nature de la réalité, abordons à présent un domaine réservé jusqu'alors à la métaphysique ou à la philosophie des spiritualités. Le modèle quantique théorique que nous avons élaboré nous permettra de mieux comprendre comment certains ont pu écouter puis vivre la naturéalité, l'expérience directe de la nature de la réalité, sans passer par le passage obligé croit-on de la pure rationalité.

III - 01 - A - Le devoir de connaissance

Le devoir premier du biotype humain est l'acte impératif d'ouverture au concret, la remontée conscientielle vers le centre. Cette poussée existentielle afin de s'élever à la plus parfaite maîtrise du réel et à l'efficacité la plus saisissante des outils et des technologies d'investigation, est immanente à notre condition biotypique dans sa marche vers l'Est, où le Soleil prend sa source, vers l'Être, vers la pleine entière connaissance. Il n'y a pas de plus haut devoir que de chercher à réaliser la délivrance de l'ignorance, de se réveiller de ses rêves, de se re-muer, de s'élever vers le centre où se comprend l'univers. De seuil en seuil, en paliers irrésistibles de sens, l'objectif humain a toujours été de rencontrer et de vivre la loi universelle qui donne sens à la vie.
La différentielle d'évolution des hommes se situe dans le degré de connaissance, d'ouverture à l'espace d'intelligence du monde. L'intensité du degré d'existentialité de chaque individu est fonction de cette présence à soi-même perçue ou vécue hors temporalité, hors étendue, au-delà des limitations historiques... Un tel devoir de connaissance est très exigeant et très difficile à contenter. Il exige d'abord de ne se soucier que de sa propre perfection conscientielle et de ne pas se laisser distraire par le coassement incessant des raisons qui se contredisent. Pour soi-même d'abord et afin de pouvoir un jour communiquer sa connaissance et aider, éclairer ceux qui pataugent dans le noir. Seul l'affranchi peut affranchir. Un aveugle ne peut mener d'autres aveugles qu'aux falaises du suicide. 

III - 01 - B - La connaissance non-intellective

Il y a des réalités et des dimensions qui ne se comprennent qu'expérimentées, vécues, bien au-delà de la réduction rationnelle empreinte des conventions mentales et des préjugés de l'époque, quelle que soit sa valeur de lucidité et d'impartialité critique. La connaissance supra-rationnelle n'est pas une assimilation intellective. Le regard ne l'atteint pas. C'est la pénétration nutritive, un état qui bouleverse le regard, qui devient seul témoin de lui-même. La connaissance non-intellective est insondable par la raison discursive. Accéder à l'expérience du réel entier, au plein-être, ne peut l'être que par une logique supra-rationnelle qui n'a besoin de nul argument, qui est une certitude au-delà des probabilités.
La voie est strictement personnelle. Gnoséologie de l'œil immédiat, elle s'éveille à l'intelligence du monde. Claire conscience de l'identité essentielle de la vie et de ses perspectives universelles, cette expérience unique dans un déclic de conscience, reconnaît la nature réelle de la réalité universelle, vécue dans son absolu. Là, reconnaître, connaître, c'est naître, intériorisant en soi l'univers. L'étant devient ferment de l'Être-Tout.


III - 02 - LA VOIE PERSONNELLE

SUPRA-RATIONNELLE

Toute démarche cognitive rationnelle dépend des gradients de croissance et des paliers d'expériences individuelles. L'exploration de la réalité est différentielle quand on l'explore selon ses propres perspectives culturelles. Et chacun formule sa vision intellective selon ce qui lui convient le mieux. Mais la démarche cognitive supra-rationnelle est unique dans sa voie et dans son résultat final, - quels que soient les termes employés pour l'exprimer.
Les moyens d'accès à cette très exigeante cognition sont divers, souvent déroutants. Parfois brefs, abrupts, plus souvent longs, étroits, progressifs. Pour atteindre la racine du supra-logique, les uns choisissent la voie droite, d'autres les sentiers. Il y a autant de moyens que de tempéraments. Les uns vont de la connaissance des parties et de l'expérience des formes, jusqu'à la saisie simultanée de l'ensemble dans ses corrélations organiques. D'autres accèdent à la saisie immédiate de l'ensemble.

Le comment ?

Mais comment apaiser le cortex cérébral et réveiller le centrencéphale, porte de la surconscience et s'approcher de cette identification qui est la voie droite (la verticale) décrite ainsi par rapport aux voies de la dispersion intellectives (horizontales) ? Comment passer de la relative inconscience à la pleine et entière sur-conscience qui surgit du centre de l'être, au cœur de la présence à soi, dans le plein silence d'une intériorisation radicale ?
Les disciplines d'accès à la voie unique d'absolue liberté sont multiples et toutes aussi exigeantes. Dans les ascèses d'auto-ensemencement, d'ascension progressive vers le centre, toute opposition s'évanouit. (Ce ne sont pas des techniques d'extase mais d'enstase). Elles exigent d'avancer au-dessus de la mêlée, de la lutte entre les opinions, tous préjugés arrachés. Car on ne voit pas clairement lorsqu'on est plongé dans le brouillard des discordances. Mais monter au sommet, au-delà des apparences et des cloaques d'incertitudes, n'est pas donné à tout le monde.
Porter donc sa lampe sur son front, ou, mieux, on est sa propre lampe pour avancer. On n'avance que seul dans la voie strictement personnelle de la redécouverte expérimentale intime de la réalité. Et le chemin qui est unique, le sien propre, et qu'on n'empruntera jamais deux fois est toujours à trouver. L'initiateur, le guide, quand il y en a, montre la voie la meilleure, selon son expérience propre. A chacun d'assumer alors sa liberté. Chacun est son propre témoin. Et sa propre voie.

III - 02 - A - La mise en abîme

Commencer par reconnaître l'encerclement, c'est déjà le dépasser. Certains tempéraments préfèrent le centre à la circonférence, le permanent au transitoire, la racine aux branches. Moins on s'éloigne du centre, moins on se perd dans les malentendus des logiques explicatives rationnelles souvent contradictoires.
Pour lever le voile, il faut au préalable ouvrir les yeux sur ce qui s'écroule, dans le dépouillement progressif de l'opacité, démasquer sa propre comédie, détruire les prisons par soi-même construites et se vider de toute illusion impulsive, bruyante, paralysante. On est tous dans un état de mensonge, de désaccord, d'angoisse, car possédés par nos propres facultés rationnelles, nos libertés relatives, nos avoirs, nos conflits, et nous aspirons tous à l'accord, à la sérénité. Mais cette voie est difficile.
Toute descente en soi est ascension vers le centre et assomption. Ainsi, d'éveil en éveil, et toujours au sommet de soi-même, repousser ses limitations à l'infini. Dans sa préparation progressive, chacun dans cette voie commence par acquérir la maîtrise de ses sens et par essayer de joindre son centre - pour muter hors du cercle, en son centre, à la verticale de son centre. Mais rien n'est atteint que sa propre maîtrise.

III - 02 - B - La lucidité

Reconnaître la relativité des valences demande du courage, peut-être une certaine inconscience. Toutes les relations événementielles biotypiques sont relatives par rapport à l'invariant fondamental, la vie. Réussir dans ce domaine, c'est souvent échouer. Se nourrir, c'est survivre pour être à nouveau affamé. Qui saute, retombe. L'éphémère ne vit qu'un demi-jour. L'isolement subjectif est une illusion de l'arbitraire humain.
Sur les périphéries, les distances d'autocorrélation (grandeur qui rend compte de l'ordre existant à différentes échelles de distance) sont parcourues lentement, graduellement. Sur le mat central, la distance verticale est relativement rapidement parcourue et toute distance d'autocorrélation disparaît. Il n'y a d'oppositions irréductibles qu'en apparence. En fait, il n'y a que des complémentarités. Les oppositions se résolvent harmonieusement. Tout, finalement, concourt à l'harmonie.


III - 03 - L'APPROCHE PRÉLIMINAIRE

III - 03 - A - L'épreuve du premier pas

1 - La mise à nu
Seul un homme affranchi, dépouillé de l'obstacle des métaux, de l'argent qui divise, du fer qui rouille le cœur, de l'orgueil futile, des préjugés, des opinions toutes faites, peut aspirer à la connaissance unitive. Il lui faut donc déposer ses métaux, quitter son nom donné, rompre avec son ancienne identité, ne plus regarder en arrière. Le détachement dans la nudité est une règle de vie et non un geste occasionnel. Le détachement est un raffinement intime dans la netteté, la sobriété et la tension vigilante, toute la puissance d'être en éveil. Renoncer à tout est la condition pour se réjouir de tout et d'un rien. C'est une œuvre de clarification. Les moines vivent ce détachement du monde pour mieux s'attacher à l'essentiel.
La dénudation préliminaire est l'épreuve du premier pas. On se définit (car on est généralement absent de sa totalité), on s'assume nu, sans déguisements. Si l'on refuse de s'accepter nu, là, face à soi-même, c'est que l'on refuse de reconnaître sa réalité entière et de s'extraire de l'équivoque. Apprendre le dénuement est d'une difficulté extrême. Le dépouillement matériel, intellectif et affectif demande un effort de lucidité particulièrement dur. N'importe qui ne peut avoir la motivation nécessaire pour se déblayer, se dépouiller jusqu'à l'extrême nudité de tout état convulsif, tendu, factice, qui s'épuise en diversions, pour se détacher de tout - et même du détachement. Tout attachement est une limitation. Dénouer son corps et son esprit, dissoudre les nœuds de l'individuation dans l'abolition continuelle des limitations, est complexe, ardu, et souvent sans aucune garantie de résultat...

2 - La solitude
S'isoler afin de se défaire et se refaire est un acte de renoncement inaugural. L'individu, s'il se mélange à la masse des autres individus, ne se pense plus. Il est agi. Afin de se désaliéner, il doit s'extraire de la société, mourir (provisoirement) au monde. Cette exclusion volontaire dans une solitude radicale, hors laquelle il y a toujours une aliénation est une épreuve. Tout quitter exige un caractère bien trempé.
En marge de la société, le cherchant s'absorbe en lui-même, en son noyau, pour se retrouver et vider le calice de sa condition biotypique jusqu'à la lie. La solitude est la condition fondamentale pour une véritable naissance à soi, pour une authentique qualité d'être, afin de pouvoir vivre le plein-être, la plénitude de sa densité existentielle.

3 - Le silence
Par la pratique du silence, en désapprenant à parler, le cherchant s'écarte des agitations mentales, ne se disperse plus en futilités. Il se place au centre de sa sphère, récepteur attentif au réel. Son silence n'est pas mutisme, mais acte. Tout parle à qui sait écouter dans le silence relationnel. Cultiver le silence pour élever sa voie, c'est reconnaître que la parole enferme, corrompt. Qui parle trop, ment. Qui ment a peur. Le silence tranquille élimine la peur.
Toute expérience intime est, de par sa nature même, incommunicable. On la garde en soi, non par vanité, pour conserver un privilège dans la volupté du secret, (facilité adoptée par les naïfs qui jouent au mystère), mais parce qu'elle ne serait pas comprise par tous. Qui comprendrait la formule E=mc2 décrivant une loi de la nature, autres que ceux qui sont déjà initiés aux connaissances mathématiques ?
« Je » donc « je suis ». Le « je suis » est une expérience existentielle originale. Et pour retrouver, vécue, son identité première, il faut cesser toute affirmation intellectuelle de soi et vivre son silence.

4 - « L'inaction » active
Le silence aide à se préparer sans violence, sans crispation, sans se comprimer. Un minimum d'effort est requis pour un maximum d'efficacité. La boue commence à se déposer, sans efforts, sans agitation. On n'ouvre pas les portes de la connaissance à coups de pieds. Pour défaire les nœuds (par soi-même formés, par sa propre confusion), on ne les tire pas en tous sens pour les entortiller davantage, mais on commence par les défaire l'un après l'autre.

5 - La simplicité
On y arrive sans humilité, artifice de l'orgueil, mais dans la simplicité qui affronte les obstacles et déjoue les ruses de la raison. La réalité est simple. On la complique par inattention au réel. La simplicité est gratuité totale, don complet de soi-même à la vie.

6 – Le temps
Rien ne presse. La durée importe peu pour une telle expérience cognitive. En se soumettant à la durée, on perd l'instant. Le bonheur n'augmente pas en proportion de la durée, vite résolue. On n'additionne pas les jours. On ne mesure pas le temps vécu. Il est assentiment à la nécessité, plein accord harmonieux, consentement total à l'avènement. La dimension chrono-spatiale habituelle se dissout à mesure que l'on devient soi-même plus intense, que l'on ne vit que les intensités existentielles et que tout instant se trouve pleine intensité.

III - 03 - B - Le « vide »

Ne plus désirer être plein de savoirs mais libre de savoir, c'est le plus redoutable des obstacles. Dans cette voie étroite, le cherchant doit apprendre à désapprendre, à se défaire des opinions reçues et enregistrées, momifiées, des pensées inachevées, source de la servitude aux actes inachevés. Il lui faut se dégager des rites, des écritures et des spéculations.
Renoncer à l'étude intellective, écarter toute intellectualité, toute conscience discriminante, c'est se délivrer de l'inquiétude, source d'effondrement qui vous tord dans l'agitation factice. L 'expérience intime de la connaissance supra-rationnelle est suscitée, justement, non pas pour comprendre intellectuellement mais pour ressentir un état, par-delà le savoir, toute référence dépassée. Comme l'expérience amoureuse relationnelle, elle n'est pas réalisable tant que les moyens utilisés sont strictement rationnels. Découvrir la réalité n'est pas essayer de la formuler. Et d'ailleurs comment modeler la nature à notre étroite convenance ?
Eliminer le vouloir tentaculaire, c'est se dépouiller du vouloir intellectif et des habitudes mémorielles, se soustraire à la rationalité (s'y complaire serait s'asphyxier tôt ou tard), se dés-intellectualiser, se désenvoûter. Se vider des mots (l'habitué aux mots s'habite de maux), du vacarme des mots insensés qui alimentent l'angoisse, et se délivrer des rets de la parole mondaine pour retrouver sa propre parole. Trop longtemps, chacun a été capté par les mots, a été leur captif. Chacun a cru pouvoir se sauver par d'autres mots pour combler sa vacuité aussi bien que son ignorance, tout en étant possédé par ce qu'il a cru pouvoir posséder...
Aller sans but, sans chercher à atteindre ou à trouver absolument un quelque chose de définitif, une formule magique qui expliquerait tout. Etre dans un équilibre a-tensionnel, sans se soucier ni de comprendre ni de savoir ni de saisir, exige une ascèse qui nous porte au-delà des choix embarrassants, sources de confusion. Prédéterminer l'objectif, définir l'itinéraire factuel à suivre, acquérir la compétence opérationnelle sont du strict domaine de l'intellectualité. Là, toute compétence, dans l'ignorance du dénouement final, se perd dans l'angoisse de l'incertitude des conjectures souvent fausses et des voies éphémères. Il est certes périlleux de voyager en mer sans compétence et sans destination. Mais hors cet étroit domaine réservé à la rationalité, aller sans itinéraire, dans l'ignorance des buts, c'est laisser le « but », nous porter, tant est qu'il y en ait un, comme le magnétisme du pôle oriente la boussole.
Il n'y a donc rien à atteindre, à trouver, à acquérir. C'est la vie qui nous trouve, nous illumine de sa réalité, de sa nature énergétique, qui nous prend, nous défait, nous refait, notre entière identité vraie retrouvée. Il n'y a donc pas à saisir la réalité puisque nous la sommes. Mais, distraits, on s'en croit séparé. Tout est là. Nous sommes tous la vie. Comment, dès lors, étreindre ce qui nous fonde ? Les questions sont sans point d'interrogation. Et la réponse y est soudé. Mieux, la réponse est dans la question. Elle est la question. On n'apprend rien intellectuellement dans cette voie, mais, au bout, on sait tout et peut-être qu'on peut tout.
Toute connaissance est toujours présente en soi. Elle n'est pas distincte de nous. La réponse à tout préexiste, au fond de soi, à toutes les questions. Rien n'est jamais atteint. Il n'y a rien à acquérir. Il y a seulement à effacer les brouillards, les brouillages, à essuyer nos vitres. Nous sommes la réalité. Elle est où nous sommes. La réalité est là, nulle part ailleurs. Il n'y a même pas d'ailleurs. Mais, distraits, nous ne le savons pas.


III - 04 - L'ASCÈSE PURGATIVE

III - 04 - A - L'épreuve du miroir

C'est l'épreuve dissolvante dans la terre de l'être. Cette mise en abîme, catharsis épurative préalable à toute réalisation, est le moyen pour mettre à jour son identité originale dégagée du fatras des masques, pour s'y retrouver, s'y reconnaître, s'évaluer et centrer sa vie. Comment dégrossir la pierre brute pour qu'elle devienne une pierre cubique – une pierre d'angle ?
Cette ascèse est remémoratrice. Revivre sa vie, se récapituler pour avancer et ne jamais plus capituler devant les facilités et les diversions, c'est dessiller ses yeux, reconnaître ses limites, ses seuils, reconnaître en toute lucidité rationnelle, l'inanité des efforts pour contrôler la vie, sa vie, et que lutter c'est s’agripper à des nuages. Retranspirer la condition humaine, la faire suer, gicler, et se démultiplier, sans jamais valoriser la souffrance, est une gageure. Déraciner en soi les racines du mal-être, s'arracher aux impasses, aux défaites, aux agonies, écarter tout obstacle, défaire les accumulations, agitations, violences, avidités, angoisses, mirages adorés, certes, afin de dégager le chantier, ne se fait pas d'un coup de plume magique.
S'épurer de ses inhibitions, les dissoudre, purger certains comportements, dé-noircir son esprit, renoncer à l'étroitesse de toute restriction mentale et faire table rase, se désengager vis-à-vis de toute précédente identification, convention, classification, bien peu y arrivent. Se détourner du chatoiement apparent par un détachement progressif de l'intellectivité, s'évider, ne s'attacher à rien, se dégager des contingences, se déconnecter, se dessaisir, aboutit à se déprendre pour se joindre, se déconstruire pour s'instruire et se reconstruire, se dissoudre pour s'unir à soi - et pour s'élever.
Se transformer de reptile en phénix. Mais comment se désintoxiquer par une descente - toujours angoissée - dans la matière humaine, le mal-être dilué, dissolvant, la souffrance, le pourrissoir, la mort et le mourir, par l'expérience immunisante du grossier, du dégoût, de l'horreur, de la douleur, de la révolte, du supplice du doute pour devenir imputrescible, incorruptible ? Très peu de gens peuvent arriver à se désacraliser par le passage par la douleur pour pouvoir gravir, en toute lucidité, les marches du renouveau, pour la remontée solaire, la sortie de l'isolement, de la douleur, de la crainte, de la nuit, le retour à la chaleur humaine. Arriver à se séparer de son corps par le regard, à assister à sa propre existence, puis à se délester de la pesanteur du corps encombrant et s'évacuer, si c'est une nécessité pour atteindre ce qui ne peut être autrement atteint, demande une lucidité et un courage extrêmes. Le vide central permet seul l'utilisation d'une roue, d'un vase, d'un bâtiment. Un vase n'est utile que vide. Il est indispensable donc de le vider de l'eau grasse pour le remplir d'eau pure.
S'abîmer dans la pesanteur, l'enfouissement, est la base de toute initiation. Le grain ne lève que s'il est tombé en terre. La terre ingère le grain pour le restituer plante. Et ce, quel que soit le temps mis à décanter. Quiconque est incapable de se relever et de se régénérer s'auto-élimine. L'épreuve, pour atteindre la « preuve », peut être mortelle.

III - 04 - B - L'expérience de la mort

Au postulant d'accepter de mourir plomb pour renaître or, brisant sa carapace et émergent à l'entière réalité. On ne peut renaître à l'intégralité qu'en se trempant dans le sang du courage. Comme l'acier. Initier, c'est apprendre à « mourir » pour renaître, le corps délié, maîtrisé ; c'est apprendre à quitter le vêtement usé pour se revêtir de son identité entière, originale, c'est apprendre à oser la mort, briser l'encerclement, le zéro, la nullité, mourir à son passé pour naître hors temporalité. Mourir à soi, c'est tuer la mort... Connaître la mort est indispensable pour connaître la vie. La mort est sans d'autre victoire que sur soi-même, dépassement mutatif - que la quotidienneté éprouvera désormais. Dur apprentissage qui trempe le caractère. Il n'est pas donné au premier venu d'exprimer la mort en l'intégrant - puis de s'arracher au cadavre, à la douleur. Tout meurt pour renaître autrement, certes, mais le passage à travers soi-même vers soi-même est un chemin que bien peu osent entreprendre. Le cœur s'y enlise, se brise ou se bronze. Qui se relève de l'épreuve du charnier a pris conscience de ses limites et les a surmonté. Des cendres jaillit la rose.
Toutes ces libérations ne sauraient être répétitives. Elles n'arrivent qu'une seule et unique fois. Le déclic est unique.

III - 04 - C - L'ouverture au réel actif

Au moment du déclic, on se sent s'ouvrir, disponible, à la réalité active, se larguer dans l'universalité. L'autre rive, la verticalité du centre, le mat, est au cœur de nous-mêmes. Se placer ainsi dans l'universel, hors d'atteinte, au-delà des conditionnements spatio-temporels habituels. Les soliloques cèdent. La pensée se tait. La mémoire oublie. L'être en nous se suspend, sans désirs, sans impatience ni attente, en parfait état amnésique. Hors temps. Hors risques et périls. Souverainement libre.
A ce moment infini, l'être se réfléchit en réfléchissant (i-e reflétant) toutes les sensations et les émotions, en étant perception pure, comme un miroir, toute buée résorbée, jusqu'à se libérer même de la conscience de la réflexion. Ce calme serein (le non-agir) n'est pas inertie, mais dynamie centrale de l'être.
Il écoute la naturéalité avec des oreilles toujours plus parfaites pour entendre jusqu'au silence, jusqu'à ne plus en avoir besoin. On est autant dans la nature qu'en soi-même. Il regarde avec des yeux toujours plus parfaits jusqu'à arriver à voir sans lunettes et sans yeux, plus loin que les limitations physiques, voir par l'œil immédiat jusqu'à nommer sans regarder. Il sent avec des organes toujours plus parfaits jusqu’à arriver à pressentir sans contact la nature des choses et des êtres. Et enfin, il parle sans paroles, rayonne par son silence. Il a pu ainsi se recueillir, se joindre, et relier, harmoniser entre elles, toutes les parties de son être, pour se centrer par sa matrice en lui-même.
Il se concentre sur sa voix, en une prise de conscience phonématique active, réactualisant en soi l'énergie phonique, la valeur acoustique des sons et s'y identifie afin de se fondre dans leur portée. Les phonèmes n'agissent pas d'eux-mêmes, mécaniquement. Ils sont portés par la conscience qui en assimile l'énergie en les prononçant. Les phonèmes ne vivent que réalisés psychiquement et non pas récités en tant que sons empiriques audibles. Leur sens se situe au-delà du langage et au-delà de toute prononciation.
Il s'identifie progressivement aux niveaux de plus en plus hauts du plenum énergétique jusqu'à s'y dissoudre. De la modulation sonore, attention entière au réel, il atteint le silence plein sève qui nous ouvre au jaillissement qui nous ravit.


III - 05 - L'ÉPREUVE DU POINT CENTRAL

III - 05 - A - La mise à jour

On trace la circonférence d'après le centre, nœud de toute architecture. Et le centre est partout, en tout, pour qui sait voir. Le cherchant se fait fleur pour comprendre, vivre la fleur, arbre pour comprendre, vivre l'arbre, ses racines, son devenir... Se fait peau-frontière pour comprendre, vivre sa liaison et sa séparation avec l'environnement... Expérience renouvelée de communion, d'identification. Intensifiant son regard, le cherchant déplie le temps pour le resserrer, intensifie la distance jusqu'à l'abolir. Ainsi, peut-il se rencontrer, se situer entier en chaque partie de son être, du corps universel.
Il se redonne corps et lien. Se refonde, libéré de l'attraction tellurique. Se reconstruit en dimensions réelles. S'auto-reconstitue. On ne naît pas pour mourir. il passe du détachement du « IL » au « JE » axial, puis au « NOUS ». Et retrouve ainsi son propre nom.
Cette mise à jour de soi s'opère dans l'identification progressive à différentes formes d'énergie, où chacun puise sa force ascensionnelle. Catalyse impérative par effet d'autofécondation qui augmente la puissance de maîtrise supra-rationnelle. Transmutation qualitative pour une élévation à la surconscience. Dépassement de la dualité sexuelle vers l'unité plexuelle.
Le seuil est bientôt franchi. Mais on n'en a pas conscience. La croissance est une activité spontanée, libre de volonté. L'approche est lente, progressive. Et, comme l'évolution rythmique cyclique, elle accélère brusquement jusqu'à l'explosion. Mais comment, avec quels mots, dire cette expérience unitive ?

III - 05 - B - Le surgissement, expérience unitive de l'intelligence totale

Le jaillissement nous prend, fulgurance paroxystique, jouissance entière d'être. Puissance irrésistible de saisissement à l'extrême limite de soi ainsi peut-on définir l'enstase - l'expérience du Soleil. Ce séisme, effaçant tous les codes humains, nous ouvre à l'écriture directe du monde, au surgissement à soi d'une immédiate et totale appréhension de la réalité dans sa nature. La surrection énergétique, sur-logique, saisit directement, dans son acuité immédiate, l'évidence solaire, l'identité de la vie. Elle est mutation intégrale dans la submersion dans l'immanence, connaissance intégratrice dans l'évidence vécue de l'immanence, de l'absolue concrétion des univers. Elan de synthèse vécue, l'enracinement dans l'absolu immédiat nous retrouve tout embrassant, un dans l'UN. Tout est soi en nous.
L'adhésion totale au présent dense continu dans sa plénitude éprouvée est comme l'amour intégral, infaillible, immédiat. Le présent est vécu présence, intensité hors temporalité, Tout-Être dans l'entière jouissance de ses racines, présence à l'immensité unifiée en soi. Plénitude unitaire indicible, l'amour ne pense pas. Lucidité supra-logique, dépassant toute expression, la plénitude est au cœur de la présence nue. Tout est une seule vie. Tout EST ÊTRE.
L'expérience unitive est entière présence à soi où l'on se vit catalyseur énergétique du cosmos, comme toute graine est un corps en acte de racine. Le pouvoir de la Nature est vécu entière cause de soi, regard entier qui constitue l'univers. Centration sur l'instant unique, sur l'intelligence du moment unique pulsant, créatif, centration sur l'intensité, lieu nul, absolu, de pure présence, l'expérience unitive est la fusion communielle unitive orgasmique, hors durée, parfaite instantanéité dans l'impermanence. Présent entier, riche de tout le devenir infini. On ne peut s 'y installer. Le temps s'abîme, l'espace s'annule. Temps et espace se résolvent dans leur anéantissement surmonté dans l'infinitude...
Cet état est sans conscience de soi. Si je sais que « je dors », je ne dors pas. A peine sait-on soi-même, au réveil, qu'on a réalisé cette expérience. Et à peine les autres s'en rendent-ils compte. La plénitude n'est pas solennelle et ne s'accompagne pas de fanfares ou de tonnerres. Elle est vécue en toute simplicité. Cette expérience communielle nous investit cependant de l'autorité irrécusable d'une connaissance achevée, éprouvée, de la nature réelle énergétique de la réalité, de l'intelligence reliante de l'univers. Cette connaissance salvatrice seule fonde l'entière liberté, en paix d'être. Certitude absolue résorbant toute angoisse, toute résignation, tout acquiescement. Omniscience. Rien ne résistera désormais à son regard.
On cesse dès lors d'être cet individu identifié à son corps, à son nom, à ses avoirs, à ses habitudes, à l'image complaisante qu'on se fait de soi, - pour s'identifier à l'Être-Tout. Et on se révèle à soi-même tel qu'on est de toute éternité. Originalité incomparable et définitive en état infini d'être. Chiffre, nom singulier, assumant sa pleine responsabilité universelle, témoignage de sa propre infinitude.
Cette tension d'être, ce jaillissement pulsionnel, n'est pas auto-hypnose ni le résultat d'un travail imaginatif discursif. Cette expérience unitive est une expérience d'amour. Elle n'est pas extinction de conscience mais supra-conscience, surconscience. Elle n'arrache pas au monde, ou se néantit dans le « vide », le néant ou l'absence d'être, mais elle se parfait dans une renaissance à soi, au monde. Et il n'y a plus, dès lors, expérimentateur, expérience et aboutissement, mais intégration fusionnelle, intelligence claire de l'univers.
Notons que cette expérience unitive n'est pas exactement une réunion, une communion. Car réunion et communion impliquent dissociation et pluralité. Et il n'y a de différenciation et de transcendance que dans les rapports superficiels entre des objets différenciés. Ils disparaissent au fur et à mesure que les distances d'identification se rétrécissent.

Accéder à la connaissance du réel absolu dans une fulguration de conscience et une exultation de l'intelligence intégrale, spasme orgastique d'être, n'est pas une expérience intellectuelle, abstraite. Elle est inaccessible à la pensée intellective. Elle est vécue - comme l'amour - au-delà des mots, des problématiques, des évaluations comparatives intellectuelles - hors discussion, hors toute dialectique de la raison discursive. La rationalité distingue et définit. Comment pourrait-elle cerner l'infinitude ? Cette fusion, extrême paroxystique de la surconscience α, nous permet de grandir jusqu'à être Soleil et de nous contracter jusqu'à la dimension atomique, totalité vécue entière dans son univocité. Ce que la rationalité n'admet pas, étant attachée exclusivement à l'ambiance relationnelle matérielle immédiate du biotype humain.
Par cette expérience unitive, se prouve qu'il n'y a plus scission entre intériorité et extériorité. Que toute séparation est illusion. Que tout est concret. Qu'il n'y a qu'une seule réalité absolue. Et qu'elle passe par nous. Le miracle est dans le miraculé, non hors de lui.


III - 06 - LE CONNAISSANT

III - 06 - A - Le né nouveau

Témoin de la connaissance réalisée, le né nouveau a reconnu en lui toute la réalité. Par cette expérience reliante, il a compris que tout est bribes d'un même mot. Il a vécu un état unique d'intégrité, d'intégralité, de non dualité absolue. Il a atteint, par son expérience unitive, la maîtrise spatio-temporelle des conditions de vie biotypiques. Dans son unité plexuelle, maître de ses visions et, dorénavant, de ses réalisations, ayant supprimé désirs, aversions, torts, opinions, il devient disponible, pierre d'angle, vierge, pour la construction.
Il a atteint la liberté absolue. Il obéit désormais à sa propre loi qui est la loi éthique unique universelle. Il est lien. Là, il ne peut faillir. L'axe vertical est inébranlable. Il se situe au-delà des contingences du choix, de la sélectivité des possibles chrono-spatiaux, dans la libre disposition de 1'immédiat. Il vit au présent existentiel. Son intelligence du passé et de l'avenir se ramasse dans le présent devenir. Chaque moment est un moment radical d'insertion de l'infini dans la durée - ainsi surmontée.
Le né nouveau sait, d'expérience, que l'univers sans lui ne peut exister. Comment y aurait-il un corps vivant si une cellule manquait ? Le né nouveau se fonde désormais sur lui-même, par lui-même (et non plus par les autres). Et pour les autres. Ce qui l'engage dans la société. Entièrement. Mais il ne reste pas hors-jeu. Il s'insère dans le champ social et culturel non pour le plaisir de l'acte lui-même, mais en vue d'initier à son tour sur la voie de la chorégraphie existentielle. Et de couper activement les racines du mal-être (et non seulement quelques branches), hardiment. Ainsi se consacre l'autorité du connaissant - joie qui se partage réjouissance. La sacralité est commutative, catalysante.

III - 06 - B - Au-delà bien et mal, vrai et faux, juste et injuste

L'éthique cosmique est unique : être lien. C'est la seule que se reconnait le connaissant dans son insertion dans la société. Les morales ne sont qu'une dégradation entropique de cette éthique universelle - qui, elle, n'a pas besoin d'être continuellement requalifiée, réajustée.
Les hommes ont longtemps considéré le bien comme l'accomplissement d'un désir intime légitimé et le mal comme tout ce qui s'y oppose. Le bien a été défini comme tout ce qui permet de gagner et de jouir de ses biens, le mal comme tout ce qui fait perdre et souffrir. Le bien comme la marche juste selon la loi sociale et le mal comme la transgression de cette loi. Ces morales enchaînent, ne sachant libérer. Le bien est, concrètement, ce qui unit. Le mal ce qui déchire, sépare, tue aveuglément.
Mais au niveau de l'absolu, il n'y a aucun dualisme qui s'appelle Bien et Mal, il n'y a pas d'opposition, d'antagonismes irréconciliables, bref que les dénommés Bien et Mal n'existent pas - ou n'existent que dans l'imagination et la logique relative de ceux qui ont perdu contact avec les lois naturelles. Il n'y a que des lois naturéelles basées toutes sur la prémisse : être lien. Et tout ce qui existe doit exister comme conséquence de cette cause. Une même sève nourrit toutes les matières.
Pour autant, ces notions apparaissent comme inévitables au plan social, pour maintenir un équilibre même s'il est à long terme incertain. Le « mal » peut alors être défini comme n'étant qu'un moindre bien, le rétroactif face à l'actif, le désaccord, le désordre, le ratage, la douleur, face à l'harmonie, l'ignorance, la méconnaissance face à la connaissance, l'erreur face à la vérité, la négligence de soi face à la recherche de la connaissance, etc. Reconnaissons qu'il n'y a entre tous les phénomènes qu'une différence d'interprétation, de nuances discursives et de degrés dans la recherche de l'harmonie, comme de différentes disponibilités à l'action. Le mal n'est-il qu'un degré moindre du bien - qui n'est, alors, considéré que le prolongement du premier vers le perfectionnement ? Mais, à notre niveau, au plus près de l'Histoire des hommes, il y eut et il y a encore, au-delà des oppositions, des haines séculaires et des heurts de volontés irrémédiablement antagonistes, des comportements humains inqualifiables tels que les destructions massives et génocidaires qu'aucune raison politique ou philosophique ne peut justifier.



 III - 07 - L'INSERTION DU CONNAISSANT

DANS LA SOCIÉTÉ

L'intelligence totale n'est pas un bien acquis. Elle s'éprouve, et c'est son mérite, au contact de la quotidienneté dans cette ménagerie de grimes rivés à l'incertain, aux mécomptes, aux futilités et finalement aux défaites - afin de la surmonter et de témoigner de son intelligence par l'exemple. Qui a vécu la connaissance entière ne peut être absent du monde. Et puisqu'il se situe dans la temporalité biotypique propre à l'homme, il l'assume entièrement. Son éveil fut une étape - qui lui a appris l'importance de ce nœud dans l'architecture énergétique du monde.
Axe de la roue, vivant son lieu central, maître de ses valeurs, il ne se reconnaît qu'un devoir et aucune de ces vertus reconnues, fractionnées, compartimentées, étiquetées, vaines, ruses travesties prétentions, cultivées en qualités, en disciplines morales, en prescriptions, en règles et codes de moralistes, parures fragiles, factices, pour masquer la déchéance mondaine et vicier la vie. Il ne reconnaît que sa loi, la loi universelle, et qu'un devoir, un et indivisible : être lien. Tout amour. Il donne le bonheur - jamais la souffrance. Don sans réponse. Et il sait, lui, que les gens ont besoin de lui pour apprendre ce qu'ils sont, ce qu'ils valent et ce qu'ils peuvent (- beaucoup).
Il se reconnait un courage sans peur - qui n'a pas besoin de témoins. Toutes ses « attitudes » sont conséquences de sa sérénité. Il utilise ses facultés, toutes, sans jamais en être possédé. Il ne s'attache pas à ce qui s'épuise. Et la célébrité ne l'intéresse pas. Il est disponible, souple, agile d'esprit et de corps, aux réflexes rapides. Entière sensibilité. Rien n'a de prise sur lui. Sa vie n'est pas adultérée. Elle est une vie d'action réalisatrice, et non pas de réaction, travestie par les caprices. Trop lucide pour obéir ou pour subir les errances de ses semblables, lui-même restant son propre maître, il ne se résigne pas à ce qui mêle l'inculture à l'imposture, l'avidité à la ruse. Il se reconnait dépositaire, jamais propriétaire. Il renonce au superflu. Libre de tout désir, il ne s'accorde nul attachement. Il sait se suffire de peu. Et sa vie est exempte de revers. Qui n'a rien, n'a rien à perdre et rien ne l'atteint. Qui thésaurise se perd. La seule armure sans défaut, c'est la nudité, le détachement dans le bonheur comme dans l'adversité.

Né nouveau, il dépasse les dialectiques vaines, le bavardage incessant, les discussions stériles, les dogmatismes et leurs corollaires, la hargne et l'irritation. Et s'il doit s'exprimer, ce sera par le langage pur de la poésie, de la musique, du chant, de la danse... Et il ne parle que pour dire quelque chose de supérieur au silence.
Son silence intérieur récuse les mutismes (régressifs) autant que les bavardages. Il n'est pas discipline, mais compréhension. Que vaut encore la parole quand on a vécu l'expérience de la connaissance intégrale, au sommet de soi-même ? Une cruche qui se remplit émet un gargouillis. Pleine, c'est le silence limpide. La parole est déploiement, diffusion, dilution, expansion dans la multiplicité formelle. Elle éblouit et paralyse. Le silence est fusion dans la simplicité relationnelle. La parole s'épuise dans les malentendus. Le silence, l'acte unifiant, atteint le centre. Le silence nous rapproche autant que la parole nous éloigne... Coïncidant constamment avec lui-même, sans contradictions, dans un état de bonheur lucide, il vit le maintenant, ici, l'acte qui le fonde là où il est, rayonnant dans l'invariance de sa plénitude. Il vit au rythme de sa présence réelle au monde, de sa présence constante à lui-même, au centre du plein-être. Attentif à l'instant qui surgit renaissance.
Lucide vigilance présente d'instant en instant, loin de tout devenir anxieux, sans attente angoissée du lendemain, sans élucubrations et mirages, il ne s'encombre pas de calculs, de prévisions, de possessions, de spéculations, d'appréhensions, de regrets. Sans négligence (qui est régression), il accomplit tout à la perfection, pleinement présent à l'acte qu'il accomplit, qui l'accomplit. Il vit d'acte complet en acte complet, exprimant la vie, entièrement présent au présent. Sa vie toute est l'acte d'un instant - dans l'art. D'une motte de glaise, il fera un chef-d'œuvre - son témoignage - qu'il sait pourtant éphémère. Il ne pense pas à se prolonger, même pas dans la mémoire des humains. Mort à son passé, il s'accomplit en perpétuelle renaissance, évitant la chronologie. Sa vie s'affirme en s'écrivant, faisant coïncider le geste et le regard, sans geste perdu, inutile au bonheur. Tout alors accède au sens, accordé à l'essentiel. Il ignore l'habitude, toute dégradation mécanique où s'ensevelit la conscience, toute limitation de mouvement, toute inertie...
Et il ne saurait déprécier, mépriser, comprimer, neutraliser, abdiquer, rejeter son corps et ses exigences - qui l'obligent, par la contrainte de la faim, à l'alimenter, et par la contrainte des intempéries, à le vêtir, etc. Qui rejette la partie, rejette le tout - et n'a rien compris, n'ayant pas su se joindre et orienter et maîtriser ses exigences et ses déterminismes biotypiques.
Il sait qu'il est absurde de vouloir profiter de la vie - puisqu'on est la vie. Il en a vécu la preuve. Une cellule profite-t-elle du corps ? La soif d'exister n'est qu'une soif de sensations, défense réflexe à la peur fondamentale de ne plus pouvoir continuer à exister. Il sait que le temps se construit et se détruit en soi-même, et qu'on ne peut être prisonniers de la continuité que si on ne la comprend pas. Enfin, il saura à quel moment il devra se retirer de son corps fatigué - pour renaître peut-être ailleurs ou autrement, et continuer son ouvrage d'art. Pour le libéré, la mort est impossible.

                                                                                                                 

LIENS et VOIES DE RECHERCHE pour aller plus loin



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